LA THEORIE RELATIONNELLE - Avril 2015

LA THEORIE RELATIONNELLE

La théorie relationnelle, présentée ici sous une forme tout à fait schématique, a pour point de départ une constatation : il est impossible que la psychanalyse, en tant que théorie relevant de la névrose, la psychose et la perversion, et rendant compte exclusivement des troubles fonctionnels que définit la psychopathologie freudienne, puisse être extrapolée à la pathologie organique. En effet cette extrapolation s'opère de deux façons notamment en assimilant la pathologie organique tour à tour soit au symptôme hystérique chargé d'un sens symbolique, soit aux manifestations de la nécrose actuelle dépourvue de toute symbolisation. Dans cette dernière extrapolation on a sans doute reconnu des concepts comme la pensée opératoire ou l'alexithymie, s'employant à faire dériver la pathologie organique d'une carence de symbolisation, comme si on "somatisait" parce qu'on serait incapable de "mentalisme".

En fait, on est en pleine confusion, car la pathologie organique porte d'emblée sur le corps réel, alors que la psychopathologie freudienne ne concerne que le corps imaginaire : la psychosomatique ne saurait être une psychanalyse appliquée, régie à la fois par la psychogenèse et la causalité linéaire. Or, Toutes les théories de la psychanalyse partagent la même illusion : rendre compte de la pathologie organique en faisant appel exclusivement au fonctionnement psychique, en excès ou en défaut, sans s'apercevoir par exemple qu'il n'existe aucune corrélation significative entre le fonctionnement opératoire ou alexithymique et l'incidence de la pathologie organique. De même, des traits de caractère hystériques, obsessionnels ou psychotiques peuvent se retrouver dans différentes pathologies sans y jouer un rôle étiologique quelconque. Il faut donc un autre point de départ. Celui-ci est fourni par la théorie relationnelle. Celle-ci pose dès l'origine le primat absolu de la relation à la naissance, et même avant la naissance, qui interdit de postuler des "processus internes" sans relation. De ce point de vue, le "psychique" est relationnel ou même titre que le "somatique". On est donc renvoyé au fait psychosomatique le plus simple, à savoir qu'il n'y a pas de fonctionnement sans situation, ni de situation sans fonctionnement ? Il s'agit maintenant de définir ces deux termes complémentaires.

Dans ce contexte, le fonctionnement par la relation d'inclusion ou d'exclusion réciproque de la conscience vigile et de la conscience onirique, en introduisant, du même coup, un principe très général de continuité et de discontinuité au niveau de l'ensemble du fonctionnement. Sans vouloir entrer dans les détails, indiquons simplement que l'activité onirique englobe ici non seulement le rêve nocturne mais également tous ses équivalents diurnes, qui ont nom la rêverie, le jeu, l'hallucination, le délire, le transfert, l'affect, etc.; et qui en constituent autant de variations où se reconnaît la même fonction de l'imaginaire.

Pour ce qui est maintenant de la situation conflictuelle susceptible dès lors de trouver une issue possible, elle peut également évoluer vers l'impasse. Celle-ci comporte plusieurs formes, dont la contradiction, le cercle vicieux et l'alternative absolue, interdisant que le conflit, dans lequel l'autre aussi est impliqué puisse s'ouvrir en quelque sens que ce soit. Or la pathologie organique doit être vue sous l'angle de l'impasse, comme si la même aporie se projetait simultanément au niveau biologique et relationnel. C'est en tenant compte de l'existence d'une impasse relationnelle potentielle à l'arrière-plan de la pathologie organique, qu'il devient possible d'envisager une autre forme thérapeutique, non pour trouver une issue là où il n'y en a pas, mais pour poser précisément le problème de l'impasse en tant que telle, afin de savoir comment elle s'est effectivement constituée. En quelque sorte, il ne s'agit pas de résoudre l'impasse mais de la dissoudre, en transformant les données. Travail patient, qui s'effectue avant tout par la libération du rêve et de l'affect.

Reconnaître un lien possible entre la pathologie organique et l'impasse ne signifie pas qu'on introduit subrepticement de nouveau la psychogénèse et la causalité linéaire, mais au contraire que l'on restitue à la réalité clinique, ancrée dans la subjectivité, une complexité à la fois relationnelle et biologique à l'articulation du corps réel et du corps imaginaire. Cependant la relation dont il s'agit ici n'a rien à voir avec ce qu'on appelle relation d'objet, puisque, d'un côté, elle est relation de sujet, de l'autre, elle est pourvue comme dans tout travail thérapeutique placé dans cette perspective : de l'espace, du temps, du rêve et de l'affect.

Sami-Ali

Avril 2015