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ENTRETIEN CIPS - Pr SAMI ALI - Septembre 2015

ENTRETIEN CIPS

 

Monsieur Sami-Ami, quels sont les fondements de votre expression ?

Sami-Ali – Ce qui fait que les choses sont vraiment très faciles et difficiles à la fois, c'est que l'objet de ma peinture et de ma calligraphie est toujours le même : la lumière. La lumière qu'il ne s'agit pas de copier mais de recréer dans un espace à deux dimensions. Il y a une série de photos que j'ai faite dernièrement, j'en expose quelques-unes à Marrakech où la tonalité se lie à la lumière.

Dans mes peintures, on retrouve une sorte de fusion faite de lumière et de couleur que l'on retrouve dans la lumière parisienne. Mais il y a aussi des éléments qui proviennent de l'atmosphère d'Alexandrie, ma ville, avec la mer, le ciel, le vent, l'interpénétration du désert et de la ville. Mais au-delà, il y a quelque chose qui vient de la tradition pharaonique, cette peinture solaire, qui n'exprime qu'une seule chose : la lutte entre la lumière et l'ombre, la lutte entre la vie et la mort, une peinture qui rappelle toujours la résurrection. Le dénominateur commun de tout cela c'est la lumière en tant qu'affirmation de la vie qui inclut également l'ombre, ce n'est pas sa suppression, mais le fait qu'elle est incluse. Si l'on n'a pas compris cela, on n'a rien compris de ce que l'on regarde de la peinture égyptienne ancienne.

Si l'on pense à votre enfance, comment se situe la continuité ?

S-A – Effectivement, j'ai une relation un peu spéciale au temps, il n'y a pas vraiment de coupure mais une continuité, l'enfance n'est pas quelque chose d'oublié qui appartient au passé, j'ai beaucoup de choses présentes qui remontent à l'enfance.

C'est cette relation un peu spéciale à la temporalité qui fait que dans ma peinture également il y a des choses qui passent de l'enfance. Il n'y a pas de dichotomie entre le présent et le passé, pas de nostalgie non plus parce que l'enfance n'est pas vraiment perdue, elle est là, elle fait partie de mon expérience, de ce que je suis.

Je parle de ma relation personnelle, je crois que j'ai eu la chance de ne pas perdre les choses, de ne pas retourner vers des choses perdues, tout le monde a la nostalgie du temps qui passe, mais le temps qui est récupéré à travers, non seulement la mémoire, mais une activité qui fait que les choses durent, ce n'est pas non plus une fixation, pour moi, l'enfance est là, donc c'est une richesse que je conserve.

Seulement elle ne peut pas être là sans que l'activité onirique travaille à fond.

Comment se situe l'aspect relationnel qui vous tient à cœur ?

S-A – Ici, on peut le comprendre a contrario par comparaison avec des systèmes de pensées issues de la médecine, de la psychanalyse, ou de la pathologie, qui se veulent scientifiques en réduisent l'être humain à lui-même quand il y a des relation, on les considère comme des relations qui viennent après en oubliant le fait essentiel, qui est toujours, originellement, la relation. A la naissance avant la naissance, on est en relation, seulement c'est une relation qui n'est pas réduite à des termes connus, c'est la relation qui existe au départ.

Avant la naissance après la naissance c'est une relation entre deux êtres, qui vont se définir progressivement dans la relation. A partir de ce fait fondamental, j'ai élaboré une nouvelle pensée de la relation qui a abouti à la théorie relationnelle destinée, précisément, à explorer les liens entre l'âme et le corps.

Vous dirigez à Paris, le Centre International de psychosomatique, vous être psychosomaticien, est-ce que l'on peut tenter de définir la psychosomatique ?

S-A – En fait, la situation est complexe, on consent ç un mode de fonctionnement qui définit l'adaptation, la normalité, la conformité si vous voulez, les forces contraignantes sont assumées par l'individu lui-même, ce qui fait qu'on peut à la rigueur dire qu'il n'y a aucun problème. C'est là le plus difficile : les gens sont contents d'être dans ce système qui est ouvert à la réussite, à l'affirmation de soi, à l'adaptation, où tout le monde peut être célèbre pendant quinze minutes. C'est qu'il n'y a pas de problème du tout. Je dis qu'il y a un problème parce que j'ai un autre regard sur la réalité socioculturelle que je vis. Quand on pose le problème au niveau de la relation thérapeutique, c'est là qu'on voit qu'il y a quelque chose qui ne va pas du tout, et que c'est là que je peux préconiser une action.

L'action la plus fondamentale c'est d'abord une action au niveau de la pensée. Il faut penser cette chose qui vous donne le sentiment d'être en vous privant d'autres possibilités, c’est-à-dire le rapport à l'enfance, au rêve, à l'émotion. Cela pour commencer, car tout se passe comme si tout le monde devait penser la même chose alors que même dans les situations les plus dramatiques, il n'y a pas un écrasement de toute possibilité de réflexion par rapport aux conflits, aux guerres, par rapport à une manière d'être dominé, afin de mettre en lumière l'emprise de la conformité dans la vie de l'individu.

Sur le plan thérapeutique, le problème devient tout à fait dramatique parce que j'ai affaire à des individus qui souffrent dans leur corps et qui demandent : pourquoi cette souffrance ? Mais ils n'ont pas la possibilité de répondre parce qu'ils sont coupés de l'enfance, coupés du rêve et des émotions. Mon travail consiste à dire que tout ça existe mais a été éliminé pour permettre au sujet de s'adapter et d'être complice de cette adaptation se Fait de façon tout à fait spéciale, au détriment de ce qu'il y a de plus subjectif chez l'être humain, pour aboutir à ce que j'appelle subjectivité sans sujet.

Quel est le lien entre votre peinture et ce que vous êtes ?

S-A – La peinture, c'est une façon aussi d'exprimer quelque chose qui relève de tout ce qui pour moi est très précieux et qui ne trouve pas son expression à travers l'écriture.

Tout ce qui ne passe pas par l'écriture, passe par la peinture et la calligraphie. C'est quelque chose qui est beaucoup plus en direct avec l'émotion, le souvenir, les rêves et surtout avec ce que l'on ne peut pas exprimer par la parole.

Je frôle là quelque chose qui est à la limite de ce que l'on peut exprimer. Par conséquent, ce n'est pas du tout une peinture qui peut être dite, qui peut être expliquée, il faut se laisser aller, pénétrer par une émotion puis à partir de là peut-être, trouver ou retrouver quelques mots qui sont ceux du poème calligraphié, mais c'est surtout au niveau de l'émotion que je me place.

Et c'est sûrement à partir de là aussi qu'il devient possible de saisir ce qui unit une activité multiforme, qui est la mienne, allant de l'art et de la poésie à la psychosomatique et à la philosophie, et que polarise en fait la quête de l'Un, Par-delà les antonymes. Je reste ainsi tout proche d'Al NIffari, le grand poète soufi, dont, précisément, j'ai traduit les "haltes", puisque ce que je cherche à fait peut être considéré comme une manière de "voir l'indicible". D'où, dans tout ce que je fais, une dimension de ce que j'appelle le sacré, lié, cependant, à aucune croyance religieuse mais qui fait un avec la capacité de recevoir, d'accueillir simplement ce qui est là, "le don des sens", comme le dit suprêmement le grand peintre-calligraphe taoïste, Chi-Tao.

*****

(…)

S-A – Mes liens avec le monde arabe dépassent l'actualité, je suis d'origine arabe bien sût, ma langue première est la langue arabe, mon lien avec le monde arabe est d'abord mon lien avec la langue arabe qui est très difficile à faire passer dans une autre langue, en l'occurrence le français.

Ma situation est une situation de passeur, d'une langue à l'autre, d'une tradition à l'autre, d'une sensibilité à l'autre.

Mon lien avec la langue arabe est un lien d'origine, de culture et surtout un lien avec une certaine vision du monde qui passe par la poésie arabe, mystique ou soufie dans le sens que c'est une poésie qui va au fond des choses, en particulier chez quatre très grands poètes que j'ai traduits, Hallaj, Ibn Arabi, Al Niffari et Al Maari. Cette vision approfondie de la réalité humaine reste miraculeusement contemporaine. Dans la traduction que j'ai faite c'est cela que je cherchais à faire passer.

Mon travail dans le domaine de la psychosomatique, on peut également le considérer comme un travail de passage entre l'âme, le corps, le social, le culturel et le biologique.

Au lieu de me disperser dans cette diversité, je cherche partout à montrer qu'il y a une unité au-delà de la diversité.

Or l'unité ne signifie pas la synthèse ou la totalité, c'est quelque chose qu'il faut chercher au-delà du discours rationnel consacré. C'est ici que la dispersion pose les questions les plus redoutables : les questions de spécialités. La poésie d'un côté, la peinture de l'autre, la psychosomatique d'un côté, la médecine de l'autre. C'est une recherche de l'unité en creusant dans la diversité pour aboutir à quelque chose qui se trouve perdue au-delà ou en deçà de la situation actuelle. Ma démarche est celle-là.

Vous appartenez au monde et à la culture arabe, quelle vision du monde avez-vous en appartenant à ce monde et à cette culture ?

S-A – C'est une vision qui cherche surtout à faire découvrir les réalités d'une pensée de l'unité. Les auteurs, poètes mystiques que j'ai traduits sont des visionnaires de l'unité : l'unité de l'homme par rapport à Dieu, l'unité de l'homme par rapport au monde, l'unité de l'homme par rapport à la nature. Ce sont des auteurs qui ont payé très cher cette démarche qui les a placés en marge de la culture, de la religion, de la société entre le Xe et le XIVe siècles.

Cette recherche de l'unité les a amenés à dépasser leur temps et la région géographique dans laquelle ils ont vécu.

Leur message est donc universel dans ce sens-là et je me trouve très proche d'eux. Le choix est personnel et ce sont des poètes à la fois très profonds et difficiles à comprendre, surtout pour savoir dans quelle mesure leur vision peut répondre à nos interrogations, nous hommes du XXIe siècle. Nous sommes dans un monde qui évolue autrement, le miracle pour moi c'est que cette poésie reste étrangement contemporaine.

(…)

La calligraphie arabe traditionnelle est une calligraphie qui n'a rien à voir avec la peinture, du fait qu'elle s'est développée dans un contexte où il y avait une scission entre l'image et le texte.

Elle s'est développée également dans le sens de la reproduction, c'est une calligraphie qui est exclusivement géométrique, décorative, pouvant s'intégrer dans des ensembles architecturaux intéressants. Cependant, elle reste une spécialité, en continuité avec le métier de copiste, même si ce métier a donné lieu à des développements artistiques extraordinaires aboutissants à différents styles.

Mon travail, au contraire à montrer qu'il y a un autre projet que simplement reproduire la calligraphie. Parce qu'une fois qu'on a appris à danser la même danse, on va répéter les mêmes pas.

Ce que j'ai essayé de faire est en rupture totale avec ça, il implique la possibilité de repenser toute l'expérience esthétique et le lien que j'ai pu établir avec la peinture aboutit en fait à ce que j'appelle la calligraphie expressive.

Vous être Sami-Ali une personnalité atypique : Vous peignez, enseignez, écrivez, traduisez, vous soignez les gens, quel fil mystérieux relie toutes ces activités ?

S-A – Toutes ces activités ne sont pas disparates, il y a toujours un lien et le lien c'est moi, élaborant une vision qui me permet d'échapper à la dichotomie. Ce n'est donc pas par hasard que j'ai eu très tôt la vocation de poser le problème de l'âme et du corps, et de vouloir arriver à ce que, d'une certaine façon, l'opposition en question cesse de se poser.

Ce n'est pourtant pas une démarche dialectique qui viserait une totalité, mais au contraire une démarche qui cherche à se défaire de toutes les complexités qui se sont ajoutées au fur et à mesure, comme si on cherchait partout une réalité sous-jacente, en deçà des catégories que l'on plaque sur la réalité. Si on adopte cette attitude, on comprend tout de suite que connaître l'autre est exactement la même chose qu'être ému devant la lumière ou devant la nature. Je reste dans cette zone, où l'émotion est le premier plan. L'émotion qui émerge quand on fait le travail d'épuration nécessaire pour saisir ce qui est là. Cela peut rappeler la position mystique d'un philosophe comme Wittgenstein qui, lui aussi, est arrivé à la même conclusion à force de consacrer des pages et des pages à la complexité de la langue dont nous usons pour dire des choses extrêmement simples, mais en vain parce que nous sommes dans la complexité d'un discours qui vient remplacer la réalité. Et quand Wittgenstein finit par trouver une place à l'indicible, je coirs que c'est ça : l'indicible n'est pas quelque chose qui renvoie à une réalité extra-mondaine ou de l'ordre du religieux, il est ce qui est là, difficile à saisir, exactement comme dans l'expérience zen. Il ne faut pas rajouter, il faut soustraire, jusqu'à ce qu'on aboutisse à ce qui est là.

Si on a cette vision-là, il devient facile de comprendre comment on peut pratiquer des choses apparemment disparates mais qui ne sont pas moins réunis autour de cette expérience fondamentale : saisir ce qui est là. Donc le travail thérapeutique ou même l'enseignement, renvoient à cette expérience difficile à exprimer, mais qu'on peut sentir dans la calligraphie, ou la peinture que je fais : on est alors frappé par quelque chose qui parle directement à l'émotion. C'est l'essentiel pour moi.

Qu'est-ce qui vous a donné le souci de la relation ?

S-A – C'est le fait qu'il y a quelque chose à explorer entre l'âme et le corps. Soigner les gens pour moi ce n'est pas faire de la psychanalyse, qui reste une psychologie liée – quelle que soit la version qu'on en donner – à la notion d'un appareil psychique, et à une pathologie d'origine psychologique : névrose, psychose, perversion.

Tout cela est l'abstraction, la réalité concrète, c'est qu'il peut y avoir névrose plus une pathologie organique. Depuis mon live sur l'impasse relationnelle et le cancer jusqu'à Convergences : essai de psychosomatique relationnelle, je montre comment chez la même personne les plans s'interpénètrent.

Toute ma pensée concernant la psychosomatique établit, au moins à titre d'hypothèse, que l'on ne peut pas tomber malade comme ça et que toute maladie renvoie à quelque chose de relationnel, une fois admise, bien sûr, la part du génétique. Le psychique est relationnel, autant que le somatique.

Ce qui fait le lien entre les deux, ce sont des situations qui peuvent être des situations de conflits insolubles que j'appelle l'impasse.

Une fois que l'on découvre ce genre de situation, on constate que la personne est arrivé au bout de ce qu'elle pouvait faire et que la maladie est le signe de ce passage à la limite.

Parvenu à cette constatation, il devient impératif de faire quelque chose. C'est à partir de là que j'ai conçu une thérapeutique relationnelle qui permet d'aider les gens pris dans l'impasse, où même la médecine peut parfois rencontrer ses limites.

Quel cheminement vous a conduit à cette recherche ?

S-A – C'est un cheminement personnel, qui ne résulté pas de l'application d'une théorie a priori. J'ai simplement fait des découvertes, en explorant la relation à l'autre et progressivement cette exploration s'est approfondie, s'est étendue. J'ai confronté et continue de confronter des questions de plus en plus complexes qui me poussent continuellement à développer des modèles pour tenir compte de cette même complexité. Seulement ces modèles ne sont pas transmissibles dans l'abstrait, ils n'ont leur pertinence que dans la mesure où ils peuvent être utiles et efficaces pour soigner.

CREATIVITE RELATIONNELLE ET ALLERGIE - Mai 2015

 CREATIVITE RELATIONNELLE

ET ALLERGIE

L'allergie représente un terrain privilégié pour étudier la dialectique entre le psychique et l'organique. Elle est à l'origine de quelque chose d'inattendu et les processus de pensée chez le jeune enfant portent en germe ce qui sera plus tard un fonctionnement de personnalité. Ce sont ces fonctionnements de personnalités allergiques repérables dans l'anamnèse ou dans un cheminement psychothérapique qui vont intéresser ici notre recherche, qui touche à l'enfant, l'adolescent et l'adulte.

La prise en compte des facteurs psychiques dans la détermination des maladies somatiques telles que l'allergie ouvre des possibilités thérapeutiques nouvelles. Outre le fait que l'allergique présente un terrain privilégié, l'allergie permet d'étudier la dialectique entre le psychique et l'organique autour du conflit sans issue ou dans son évolution vers un conflit simple. La personnalité allergique nous interroge sur la problématique de l'identité, et de l'impasse relationnelle. C'est une recherche essentielle pour tous ceux qui sont concernés par cette pathologie relationnelle.

Sylvie Cady,

Mai 2015

PATHOLOGIE CREATION ET PSYCHOTHERAPIE DES TROUBLES PSYCHOSOMATIQUES : L'UNITE DE L'AME ET DU CORPS - Mai 2015

PATHOLOGIE CREATION ET PSYCHOTHERAPIE

DES TROUBLES PSYCHOSOMATIQUES :

 L'UNITE DE L'AME ET DU CORPS

D'origine égyptienne, professeur émérite de l'université Paris VII, Sami-Ali vit et travaille à Paris où il dirige le Centre International de Psychosomatique qu'il a créé.

Ses activités sont multiples, il enseigne, soigne, écrit, traduit et peint. Après avoir été formé, il a exercé la psychanalyse, puis développé dans le sillage de Freud, la théorie et la clinique analytique pendant de nombreuses années. Son approche spécifique des troubles psychosomatiques l'ont amené progressivement à rompre avec une pratique freudienne classique basée fondamentalement sur l'interprétation. Dans son livre, Corps et âme. Pratique de la théorie relationnelle (Dunod, 2003) et dans son livre Penser l'Unité, il défend une conception novatrice de la psychothérapie des troubles "psychosomatiques" fondée centralement sur une approche unitaire du sujet.

Pourquoi la psychosomatique relationnelle ?

Il faut que je rappelle que ma première formation a été celle de philosophie et je suis toujours philosophe, en ce sens que pour moi, les problèmes ne sont pas simplement cliniques ou pratiques, mais aussi des problèmes au niveau de la pensée, qui demandent à être pensés à travers des concepts qu'il faut forger, inventer pour rendre l'expérience elle-même valable en tant qu'expérience humaine. C'est en ce sens que j'ai été amené effectivement à penser à la fois ce qui fonde la psychanalyse et la psychosomatique d'une manière tout à fait originale.

C'est une manière qui m'a été révélée à travers mon expérience de psychanalyse, ayant exercé en Egypte, donc en introduisant d'emblée la dimension culturelle, anthropologique, et à mon retour en France par mon expérience thérapeutique : c'est pourquoi dans mes travaux, on trouve des éléments très importants concernant le statut de l'imaginaire dans une société, dans une culture et une autre. Cela m'a amené à considérer que, d'une part, la pathologie reste inséparable du contexte socio-culturel auquel on appartient, d'autre part, que c'est une pathologie qui peut être pensée en fonction de la position de l'imaginaire et du banal ; c'est-à-dire deux concepts qui correspondent à une relation particulière om l'imaginaire est présent d'un côté, absent refoulé de l'autre côté par besoin d'adaptation.

Il paraît donc impossible de séparer la pathologie humaine, fonctionnelle et organique, du psychique du somatique puisque dans tous les cas, on est confronté à la même question concernant l'âme le corps et la relation.

LA DIMENSION ANTHROPOLOGIQUE

Cela rejoint la problématique de mon premier livre "le haschisch en Egypte, Essai d'anthropologie psychanalytique" paru chez Payot en 1971.

C'est un livre qui ne signifie pas seulement que j'introduis la dimension anthropologique par rapport à l'Egypte, à propos du haschisch, mais au contraire, il s'agit pour moi d'une démarche méthodologique qui court dans tout ce que j'ai écrit, dans tout ce que j'ai pensé. Pour vraiment donner toute l'importance que j'accorde à cette dimension anthropologique, il faut compléter ce que je viens de dire concernant le haschisch en Egypte pour montrer comment la même pensée m'a amené à m'interroger sur l'importance de la vie onirique dans la société occidentale, question à laquelle j'ai consacré un livre, le banal, qui est sorti chez Gallimard en 1980.

Déjà dans l'un de mes ouvrages, "De la projection" (1971, 1986 et 2004, Dunod) je sors des schémas psychanalytiques pour affirmer que la projection exprime un processus de création de la réalité qui prépare la guérison.

C'est toujours le même concept de l'imaginaire qui sous-tend tout ce que j'ai développé, seulement l'imaginaire ici se définit essentiellement par rapport à la fonction onirique. Chez d'autres auteurs, on parle d'imaginaire comme s'il existait en soi à travers les mythes, à travers la pensée magique, etc., alors que cela ne devient pensable que par rapport à l'activité onirique. Donc c'est le même concept qui est mis en valeur ici dans la projection. Dans le rêve notamment, il ne s'agit pas de réduire la fonction de rêve à la réalisation déguisée d'un désir refoulé comme c'est le cas chez Freud. Pour moi, l'imaginaire qui est le rêve, est une réalité qui a aussi son rôle dans la constitution de l'image créative, indépendamment de toute fonction défensive qui a marqué le concept de projection chez Freud, du début à la fin.

UNE SITUATION SANS ISSUE

C'est une question importante, effectivement, dans tout ce qui concerne l'allergie, il faut tenir compte du fait que c'est une pathologie qui a lieu dans une situation d'impasse, et que dans cette mesure-là, on peut considérer que toute la problématique de l'allergie concerne d'abord, comme d'ailleurs d'autres pathologies organiques, la possibilité que le sujet se trouve dans une situation sans issue. C'est justement là qu'on voit qu'il peut y avoir un lien entre la pathologie allergique et la psychose dans la mesure où la psychose est d'abord une manière d'affronter l'impasse, c'est-à-dire de l'absorber grâce à une structuration de type délirant où la contradiction cesse d'exister. La contradiction qui est par excellence l'impasse psychotique et qui sous-tend également la relation allergique où le sujet ne peut se poser, ni comme différent, ni comme identique à l'autre. La projection en soi n'a pas une valeur biologique, elle permet plutôt de sortir de l'aporie allergique, donc de mettre un terme aux manifestations de l'allergie ce qui entraîne un changement remarquable du système immunitaire.

Dès mon livre, "Corps et âme, pratique de la théorie relationnelle", j'affirme vouloir "intégrer la totalité de la réalité humaine pour la saisir en tant qu'unité". Ceci se poursuit dans Penser l'unité, où pour moi la pathologie est d'emblée relationnelle et le psychique est relationnel autant que le somatique. Il faut donc considérer que la pathologie est en relation, avec une situation qui peut être conflictuelle, où le conflit peut trouver une solution possible, mais qui parfois est susceptible d'évoluer vers l'impasse, qui ferme les issues. A partir de là, on a déjà une vue d'ensemble de la situation, au lieu de nous limiter à l'aspect proprement pathologique, une vision où cette pathologie fonctionnelle aussi bien qu'organique, est intégrée dans des situations relationnelles qui caractérisent l'être humain à un moment donné de son histoire.

C'est aussi une manière de comprendre que les différentes manifestations de la pathologie, où parfois on assiste à des modifications relevant de la variabilité symptomatique, sont autant de réactions à une impasse dans laquelle on est pris. Il ne s'agit donc pas d'ajouter les facteurs en jeu, les uns aux autres, mais de les intégrer dans un schéma permettant de saisir l'unité de fonctionnement, dans une situation qui caractérise l'impasse ou le conflit soluble.

Il faut d'abord que je précise que le concept de pathologie psychosomatique, reste essentiellement lié à une seule forme de pathologie, l'hystérie qui est une pathologie fonctionnelle. Alors que mon propos est justement de comprendre toute la pathologie, qu'elle soit fonctionnelle ou organique, de sorte que ce concept me paraît abusivement utilisé pour couvrir l'ensemble de la pathologie. Ainsi, je ne dis pas qu'une pathologie organique est d'emblée une pathologie psychosomatique, je dis simplement qu'il y a une pathologie organique particulière, et il faut savoir si vraiment elle relève de l'hystérie ou d'autre chose. Ayant en vue cette considération, il me parait impossible d'étendre ce concept à l'ensemble de la pathologie humaine. A partir de là, effectivement, la pathologie organique doit être pensée selon un autre modèle, et selon d'autres catégories qu'une simple extension du modèle de l'hystérie.

En ce sens, je considère que la question de la pathologie organique échappe, également à la causalité linéaire où, dans l'hystérie notamment, un conflit trouve directement sa résolution à travers le phénomène somatique de conversion. Il faut donc introduire une autre forme de causalité, que j'appelle circulaire, une causalité qu'on ne peut pas saisir directement mais qu'on doit passer par la situation d'impasse, mettant aux prises plusieurs personnes. On explore alors une longue chaîne d'évènements, et peu à peu on parvient à reconstituer des chaînons intermédiaires, pour relier les faits les plus lointains les uns aux autres, selon un ordre qui reste toujours à découvrir mais qui une fois découvert, nous donne accès à l'unité de l'âme et du corps. C'est précisément vers cette unité que tend tout le travail thérapeutique conçu dans la perspective de la thérapie relationnelle.

QUATRE DIMENSIONS

Le psychisme et le somatique pensés comme relationnels auraient quatre dimensions : le temps, l'espace, le rêve, l'affect.

C'est important de le préciser parce que le concept de relation que j'utilise n'a rien à voir avec le concept psychanalytique de relation d'objet, lequel se définit toujours par opposition à une phase de non-relation qui est censée constituer le narcissisme primaire, le tout relevant de la théorie de l'évolution de la libido, donc exclusivement d'une pathologie fonctionnelle, coïncidant avec que j'appelle la psychopathologie freudienne. On ne sort pas de la psychanalyse où la pathologie n'a rien à voir avec le corps réel, parce que c'est toujours le corps imaginaire qui est engagé. Dans ma définition du concept de la relation, j'introduis quatre dimensions qu'il importe d'explorer lorsqu'il est question de créativité.

D'abord l'espace, il ne s'agit pas simplement de revenir au concept usuel de l'espace, car je considère que l'espace est d'emblée un rapport avec le corps et qu'il commence par être un espace corporel régi par la dimension gauche – droite, haut-bas, dedans-dehors, etc., avant de constituer par la suite, grâce à la projection, l'espace de la représentation. On peut en dire autant du temps, qui reste inséparable du fonctionnement rythmique et cyclique de la vie, si bien que la temporalité reste constamment régie par un rythme corporel sur lequel s'appuie l'activité créatrice. On peut en dire autant de l'affect et des rêves, qui sont également des processus inscrits dans la réalité corporelle, l'affect étant avant tout une relation à l'autre qui passe par le corps, au niveau même des réactions neuro-végétatives, et il reste inséparable de la langue maternelle qu'on partage et qui aux mots une valeur magique pouvant atteindre l'autre effectivement. L'affect paraît ainsi comme le moyen d'agir sur le monde à la manière du rêve, qui crée de toutes pièces une réalité, à laquelle on croit absolument, aussi longtemps que dure le rêve. Ce qui signifie que le phénomène est porté par une projection qui aboutit à créer une relation de circularité entre l'affect et son objet : on a peur parce que l'objet est devenu effrayant et il est effrayant parce qu'on a peur. Quelque chose qui rappelle la conscience captive dans le rêve, prenant conscience qu'elle est entrain de rêver ce qui ne met pas un terme au rêve, mais le prolonge dans l'activité créative.

En ce qui concerne le rêve maintenant, il faut surtout comprendre qu'il est impossible d'en rendre compte, comme le fait Freud, uniquement en termes de processus psychologiques, car il s'avère, par suite des découvertes de la neurobiologie, que nous rêvons tout le temps de notre sommeil, ce qui dispense de faire dépendre le rêve du besoin ponctuel de décharger une excitation susceptible de provoquer le réveil. A partir de là, la fonction onirique se trouve libérée de toute réduction systématique pour constituer ce que j'appelle la conscience onirique, mise en relation de complémentarité avec la conscience vigile. Or, d'après moi, tout le fonctionnement créatif peut être décrit en termes d'équilibre entre ces deux forces extrêmes de conscience. Le travail thérapeutique en tient constamment compte.

Le concept de l'inconscient chez Freud reste lié à la psychanalyse, c'est-à-dire à la découverte de l'inconscient ramené au refoulé. En ce sens l'inconscient n'est saisissable que parce qu'un contenu a été éloigné du champ conscient mais qui revient par la suite sous forme de symptômes, que la psychanalyse déchiffre en tant que retour du refoulé. C'est le même contenu qui fait retour mais déformé, méconnaissable. Et c'est exactement le même processus que Freud applique au rêve, pour dire que le rêve, est la réalisation camouflée d'un désir refoulé. Voilà la démarche méthodologique. L'inconscient demeure donc limité à ce seul aspect, alors que si on libère les rêves de la contrainte de la fonction défensive, il y aura tout un champ nouveau qui s'ouvrira et qu'il faudra explorer indépendamment des outils fournis par la théorie psychanalytique. C'est ce que je fais. Pour moi, il n'y a pas une autre réalité au-delà du rêve, qui s'exprimerait à travers le rêve, le rêve étant un phénomène ultime qui donne accès à l'autre face de la réalité humaine. Celle-ci, comme je viens de le dire, se définit par la relation réciproque entre la conscience vigile et la conscience onirique, l'une tournée vers le réel et excluant la contradiction, et l'autre vers l'imaginaire et incluant la contradiction, dans la mesure où elle prend appui sur un temps et un espace imaginaire fondés sur une relation d'inclusion réciproque du tout et de la partie, du dedans et de dehors, du grand et du petit.

Ce qui introduit d'emblée une cohérence à l'activité créative.

Ma conception n'est pas une théorie dans le sens ordinaire du terme, capable de fournir des réponses à tout, c'est une méthodologie, destinée à découvrir ce qui est là, sans l'assimiler à un modèle implicite. La théorie relationnelle, en fait, permet de repérer d'un côté le fonctionnement du sujet qui se définit par rapport à l'activité onirique, présente ou absente, donnant lieu à quatre formes majeures de fonctionnement, et l'autre côté, la situation relationnelle dans laquelle le sujet se trouve, marquée par un conflit évoluant vers l'impasse. A partir de là, effectivement, on dispose des données permettant de saisir, chez une personne en particulier, l'unité qui caractérise un fonctionnement particulier à l'intérieur d'une situation problématique pourvue d'une histoire, et d'une possible créativité.

La maladie organique se trouve ainsi mise en rapport avec l'impasse, non pas parce qu'on tombe malade à cause de l'impasse, ce qui introduirait subrepticement la causalité linéaire, mais parce que la même difficulté d'être, semble se projeter simultanément au niveau relationnel et biologique selon des modalités qui caractérisent la causalité circulaire. Est-ce toujours possible, la question reste posée et c'est cela qui me paraît intéressant. La théorie relationnelle indique des directions : si on va par-là, on peut découvrir des choses essentielles, permettant de saisir l'unité de l'ensemble. Dans mon livre L'impasse relationnelle. Temporalité et cancer, j'ai pu montrer comment, en prenant six cas au hasard, au bout d'un seul entretien entre une heure – une heure et demie, la pathologie organique cancéreuse, était inséparable d'une situation d'impasse parfaitement localisable.

NE PAS INTERPRETER

Dans le cas de Cyril présenté dans mon livre "corps et âme", c'est là que l'on voit qu'il ne s'agit pas d'interpréter, il ne s'agit pas d'appliquer un modèle, et d'y ramener le phénomène qu'on observer. Dans le travail avec Cyril, il ne fait jamais oublier, et c'est cela qui fait toute la force de la théorie relationnelle, qu'il s'agit d'une pathologie organique relationnelle, l'œdème de Quincke. Et c'est ce qui fait toute la différence avec le travail psychanalytique, qui ne concerne que la psychopathologie freudienne. Il s'agit d'une pathologie allergique grave qui concerne le système immunitaire qui, dans une relation d'impasse, se met à fonctionner d'une manière aberrante.

Dans le cas de Cyril, la réaction allergique implique d'emblée toute la famille et cela même avant la naissance, la mère tombant dans une profonde dépression, en apprenant qu'elle était enceinte d'un garçon, alors qu'elle désirait une fille après avoir donné naissance à deux garçons. En venant au monde, Cyril était déjà pris dans cette culpabilité, liée à la non-acceptation de sa naissance : il ne devait pas être là, mais il est là; quand même. En donnant à l'allergie cette dimension relationnelle, on peut en effet espérer, que la dissolution progressive de l'impasse, qui implique une double évolution de l'enfant et des parents, entraînera la modification du fonctionnement même du système immunitaire. C'est ce qui s'est produit réellement. Ainsi la thérapie de Cyril, en reprenant les choses à leur point de départ, a pris effectivement la forme d'une seconde naissance, dans une nouvelle situation ouverte à la vie et libérée de toute culpabilité. Du coup, le problème de bégaiement, a pu être résolu, en même temps que la latéralité, qui s'affirme définitivement à droite. Et l'enfant grandit à vue d'œil, accédant à une maturité, qui ne cesse de donner des possibilités, qui ont manqué dans son évolution.

C'est surtout par rapport à l'adulte que les choses deviennent beaucoup plus difficiles, plus compliquées aussi, mais c'est exactement cela. La libération des rêves et de l'affect peut également entraîner des activités de l'ordre de l'écriture, de la peinture, etc., qui sont absolument dans le droit fil du travail thérapeutique conçu dans le contexte de la théorie relationnelle, qui se retrouve dans mon dernier livre "Convergences, essais de psychosomatique relationnelle".

PATHOLOGIE ET CREATION

Pour moi, la peinture, comme l'art, en général, est une façon de revenir à une vision vierge de la réalité, dégagée de tout savoir, de tout acquis. On s'aperçoit alors que rien n'est donné une fois pour toute et que tout se crée à un moment. C'est en cela que ce que dit Giacometti, à propos de l'espace, est une sorte de révélation métaphysique de la condition humaine, une vérité occultée par le langage même qui, en les nommant, donne aux choses une permanence hors du temps. Il y a là comme un retour à quelque chose d'originel ; le pur surgissement qui est énigme, comme le dit souverainement le poète Hölderlin. C'est cette expérience de l'unique, qui sous-tend en fait tout mon travail de peinture et de calligraphe, plongeant ses racines dans la langue arabe, grâce à la poésie de l'indicible que j'ai traduite chez trois grands poètes soufis, eux-mêmes aux prises avec la même révélation.

Ma peinture et mon œuvre de penseur, notamment la théorie relationnelle, sont loin d'être des remèdes à quoi que ce soit. C'est au contraire une façon de penser la pathologie. C'est surtout une façon de montrer que ce qui se perd de plus en plus c'est la pensée l'unité, et l'unité n'est pas la totalité. Donc j'ai mis en place une méthodologie, destinée à parvenir à l'unité l'âme et du corps, en tenant compte de toute la complexité qui caractérise l'expérience humaine et la création. Mon œuvre de peintre également tend à dépasser le clivage tôt introduit dans l'histoire du monde arabe entre calligraphie, peinture, et photographie peinture, en revenant à ce moment initial où ses deux formes d'expression se confondent. Totalement. C'est notamment le cas de la peinture pharaonique intégrant les hiéroglyphes, comme de la peinture chinoise. Je considère donc qu'en tant qu'artiste, mon œuvre se trouve en droit fil de l'art égyptien qui demeure de part en part solaire et sacré.

Sami-Ali

Mai 2015

LA THEORIE RELATIONNELLE - Avril 2015

LA THEORIE RELATIONNELLE

La théorie relationnelle, présentée ici sous une forme tout à fait schématique, a pour point de départ une constatation : il est impossible que la psychanalyse, en tant que théorie relevant de la névrose, la psychose et la perversion, et rendant compte exclusivement des troubles fonctionnels que définit la psychopathologie freudienne, puisse être extrapolée à la pathologie organique. En effet cette extrapolation s'opère de deux façons notamment en assimilant la pathologie organique tour à tour soit au symptôme hystérique chargé d'un sens symbolique, soit aux manifestations de la nécrose actuelle dépourvue de toute symbolisation. Dans cette dernière extrapolation on a sans doute reconnu des concepts comme la pensée opératoire ou l'alexithymie, s'employant à faire dériver la pathologie organique d'une carence de symbolisation, comme si on "somatisait" parce qu'on serait incapable de "mentalisme".

En fait, on est en pleine confusion, car la pathologie organique porte d'emblée sur le corps réel, alors que la psychopathologie freudienne ne concerne que le corps imaginaire : la psychosomatique ne saurait être une psychanalyse appliquée, régie à la fois par la psychogenèse et la causalité linéaire. Or, Toutes les théories de la psychanalyse partagent la même illusion : rendre compte de la pathologie organique en faisant appel exclusivement au fonctionnement psychique, en excès ou en défaut, sans s'apercevoir par exemple qu'il n'existe aucune corrélation significative entre le fonctionnement opératoire ou alexithymique et l'incidence de la pathologie organique. De même, des traits de caractère hystériques, obsessionnels ou psychotiques peuvent se retrouver dans différentes pathologies sans y jouer un rôle étiologique quelconque. Il faut donc un autre point de départ. Celui-ci est fourni par la théorie relationnelle. Celle-ci pose dès l'origine le primat absolu de la relation à la naissance, et même avant la naissance, qui interdit de postuler des "processus internes" sans relation. De ce point de vue, le "psychique" est relationnel ou même titre que le "somatique". On est donc renvoyé au fait psychosomatique le plus simple, à savoir qu'il n'y a pas de fonctionnement sans situation, ni de situation sans fonctionnement ? Il s'agit maintenant de définir ces deux termes complémentaires.

Dans ce contexte, le fonctionnement par la relation d'inclusion ou d'exclusion réciproque de la conscience vigile et de la conscience onirique, en introduisant, du même coup, un principe très général de continuité et de discontinuité au niveau de l'ensemble du fonctionnement. Sans vouloir entrer dans les détails, indiquons simplement que l'activité onirique englobe ici non seulement le rêve nocturne mais également tous ses équivalents diurnes, qui ont nom la rêverie, le jeu, l'hallucination, le délire, le transfert, l'affect, etc.; et qui en constituent autant de variations où se reconnaît la même fonction de l'imaginaire.

Pour ce qui est maintenant de la situation conflictuelle susceptible dès lors de trouver une issue possible, elle peut également évoluer vers l'impasse. Celle-ci comporte plusieurs formes, dont la contradiction, le cercle vicieux et l'alternative absolue, interdisant que le conflit, dans lequel l'autre aussi est impliqué puisse s'ouvrir en quelque sens que ce soit. Or la pathologie organique doit être vue sous l'angle de l'impasse, comme si la même aporie se projetait simultanément au niveau biologique et relationnel. C'est en tenant compte de l'existence d'une impasse relationnelle potentielle à l'arrière-plan de la pathologie organique, qu'il devient possible d'envisager une autre forme thérapeutique, non pour trouver une issue là où il n'y en a pas, mais pour poser précisément le problème de l'impasse en tant que telle, afin de savoir comment elle s'est effectivement constituée. En quelque sorte, il ne s'agit pas de résoudre l'impasse mais de la dissoudre, en transformant les données. Travail patient, qui s'effectue avant tout par la libération du rêve et de l'affect.

Reconnaître un lien possible entre la pathologie organique et l'impasse ne signifie pas qu'on introduit subrepticement de nouveau la psychogénèse et la causalité linéaire, mais au contraire que l'on restitue à la réalité clinique, ancrée dans la subjectivité, une complexité à la fois relationnelle et biologique à l'articulation du corps réel et du corps imaginaire. Cependant la relation dont il s'agit ici n'a rien à voir avec ce qu'on appelle relation d'objet, puisque, d'un côté, elle est relation de sujet, de l'autre, elle est pourvue comme dans tout travail thérapeutique placé dans cette perspective : de l'espace, du temps, du rêve et de l'affect.

Sami-Ali

Avril 2015

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